— Ce serait d’autant plus logique que Shakiar s’est installée on pourrait dire « officiellement » au château de Fleuve pour y soutenir le moral de la belle Salima, ce qui a permis à celle-ci de se montrer offensée que l’on pût le supposer chez elle.
— Elle ressemble à quoi, la maison de l’île ?
— Oh, c’est un véritable petit palais pourvu de jardins magnifiques. En faire une visite impromptue ne doit pas être évident… au cas où vous y songeriez, prévint-il en captant au passage le regard échangé entre Aldo et Marie-Angéline, elle doit être plus que bien gardée.
— Si Adalbert était avec moi, nous tenterions l’aventure sans hésiter, mais sans lui je perds la moitié de mes moyens, soupira Aldo en faisant signe au serveur pour qu’il remplisse les verres. En outre, nous n’avons aucune assurance qu’il s’y trouve ! Nous nageons dans le brouillard.
— Espérons seulement qu’il soit toujours en vie ! soupira Mme de Sommières. Je n’aime pas une histoire d’enlèvement qui aboutit à une impasse. D’habitude, quand on prend quelqu’un en otage, c’est pour obtenir une rançon en contrepartie ? Là, personne n’a rien réclamé, que je sache ? À moins que M. Lassalle n’ait reçu un message et hésite à en parler au cas, par exemple, où on lui aurait enjoint de se taire ?
— Hélas, non ! Je n’ai rien reçu. D’ailleurs, en général un ravisseur exige le silence vis-à-vis de la police. Pas vis-à-vis de la famille… Quant à ladite police, si l’on considère ce qu’elle vaut, je ne vois pas bien qui pourrait la redouter. Cependant, j’ai l’intime conviction que nous pouvons garder espoir. Il se peut que nous ayons des nouvelles bientôt. Un ravisseur n’est pas toujours pressé. Tout dépend de ce qu’il veut obtenir…
Le dîner s’acheva dans une atmosphère de contrainte. À mesure que le temps passait, et contrairement aux assertions de M. Lassalle, le silence dont s’enveloppait la disparition d’Adalbert se faisait plus pesant. Même s’ils refusaient l’idée qu’il aurait pu lui arriver malheur. On se sépara peu après en se promettant de se tenir au courant de la moindre nouvelle. Tante Amélie s’étant déclarée un peu fatiguée, ces dames remontèrent chez elles tandis qu’Aldo allait boire un deuxième café au bar. Il y trouva le colonel Sargent, en compagnie de son whisky vespéral, qui lui fit signe de le rejoindre :
— Alors ? demanda-t-il. Quoi de neuf ?
Morosini leva un sourcil surpris :
— À quel sujet ?
— Votre ami l’archéologue, voyons ! Il a bien été enlevé ?
Pris au dépourvu, Aldo n’eut pas le réflexe de nier et le considéra avec stupeur :
— Mais comment le savez-vous ?
— Oh, c’est élémentaire ! Vous m’attendez une minute ?
Il fila vers le bar d’acajou et de bronze doré pour en revenir escorté d’un garçon long comme un jour sans pain, roux comme une carotte, qu’il présenta bien qu’Aldo l’eût déjà reconnu :
— Voici l’honorable Freddy Duckworth que nous avons rencontré, vous et moi, dans des circonstances plutôt tumultueuses. Si vous ne connaissez pas votre sauveur, Duckworth, vous pouvez saluer le prince Morosini.
— Tout à fait ravi ! émit le personnage en tendant une main large comme un battoir à linge. C’est gentil à vous de me présenter, colonel Sargent. Il y a des jours que j’hésite à le faire pour offrir mes estimés remerciements, mais je n’osais pas !
— Ce que nous avons fait, le colonel et moi, n’en mérite pas tant. C’était normal… mais pourquoi n’osiez-vous pas ? Je vous fais peur ?
— Non, mais vous n’étiez pas souvent dans la solitude. M. Pellicorne était toujours là et je n’avais pas l’envie de secouer les mains avec lui. On a sa self respect mais dans l’autre nuit je crois que je vois…
— Parlez anglais, mon vieux ! conseilla Sargent, ce sera plus clair et notre ami l’entend à la perfection !
— Merci ! Tard dans la soirée il y a trois jours, je me promenais par là (il désignait d’un geste vague la partie haute de la ville), quand j’ai vu votre ami courant derrière un jeune garçon vers une automobile qui attendait tous feux éteints dans un coin sombre. Il est monté. Aussitôt je l’ai entendu crier, puis la voiture a fait une manœuvre pour changer de direction et est partie vers le Nil, tandis que le garçon s’en retournait par où il était venu.
— Habillé comment, le gamin ?
— Une robe sombre, si mes souvenirs sont exacts et je ne sais quoi sur la tête ! Ça s’est passé très vite !
— Et la voiture est descendue vers le fleuve ?
— Oui ! Mais où est-elle allée, ça, je l’ignore !
— C’est déjà précieux comme renseignements… mais pourquoi n’avoir pas parlé plus tôt au colonel ?
L’air gêné, Duckworth renifla une fois ou deux, hésita puis finit par déclarer qu’il n’était pas mécontent que son ennemi eût quelques ennuis – les deux raclées qu’il en avait encaissées étaient encore fraîches dans sa mémoire – mais en constatant qu’Aldo était revenu seul à l’hôtel et qu’il ne paraissait pas cultiver la gaieté, il s’était interrogé et, comme ce n’était pas un garçon rancunier, il avait fini par s’en ouvrir à son compatriote.
— Moi, je ne vous remercierai jamais assez, en tout cas, dit Morosini. Quand je l’aurai retrouvé, mon ami Adalbert vous offrira ses excuses… même si le tour que vous lui avez joué était « pendable ».
Il avait exprimé le mot en français et Freddy buta dessus :
— Pendable ? Vous voulez dire que je mérite la potence ?
— Non, c’est une façon de parler. Cela signifie pas très fair-play. Et à ce propos, je voudrais vous poser une question, pourquoi faites-vous ça ?
— Ça, quoi ?
— Chiper les concessions de fouilles des autres ? Vous êtes égyptologue, que diable ! Vous ne pouvez pas les chercher tout seul ?
Freddy hocha la tête et prit une mine désolée :
— Non. J’ai fait les études mais je n’ai pas le flair ! Et puis je suis paresseux ! C’est extrêmement fatigant de creuser la terre, de remuer des tonnes de pierres et de se faufiler dans des trous à peine plus évasés que ceux d’un renard. En plus, j’ai mal au dos !
— Dans ce cas, pourquoi avoir choisi l’archéologie ? Vous n’aviez pas d’autre corde à votre arc ?
— Non. C’était le désir de mon oncle.
— Votre oncle ? Lord Ribblesdale ?
— Vous le connaissez ?
— Non ! En revanche, je connais trop bien votre tante Ava.
Une intense expression de soulagement se répandit sur les nombreuses taches de rousseur de l’Anglais.
— Alors, s’il en est ainsi, je n’ai pas besoin d’expliquer !
— Tout de même un peu. Ce n’est certainement pas pour lui faire plaisir que vous avez opté pour la pelle et la pioche ? C’est une enragée chercheuse de joyaux mais ceux de l’Égypte ne l’intéressent pas.
— On dirait que vous la connaissez à la perfection ? Alors vous allez comprendre : c’est seulement pour embêter sa fille qui…
Aldo éclata de rire :
— N’allez pas plus loin, je suis au courant ! Il suffit de connaître la fille en question, Alice Astor, qui se prend pour la réincarnation de Néfertari ou d’une de ses consœurs ! Vous devriez en parler à mon ami Adalbert quand on l’aura récupéré ! Vous aurez de quoi discuter ! En attendant, merci pour lui(13) !
— Oh, c’est rien… et si je peux encore aider ?
Décidément il débordait de bonne volonté, mais pour Aldo il ne fallait jamais abuser des bons sentiments. À présent, un nouveau problème se posait : comment explorer la demeure ancestrale des princes Assouari ? Surtout dans la plus totale discrétion !
Plongé en lui-même, il regardait fixement sa tasse à café vide, ayant complètement oublié le colonel Sargent. Mais celui-ci, après s’être éloigné un instant, revenait équipé de deux verres de whisky dont il posa l’un sous le nez d’Aldo qui le remercia machinalement :
— Un penny pour vos pensées ! fit-il, jovial. Vous me faites l’effet d’être parti bien loin, mon cher prince ?
— Pas à ce point ! Merci pour le verre ! ajouta-t-il en s’y attaquant aussitôt.
— Disons : moins loin que vous ne l’espériez ! Cette voiture qui s’en est allée vers le Nil ne fait pas votre affaire. Vous pensiez que les ravisseurs étaient envoyés par la belle demoiselle ? Ce qui aurait eu l’avantage d’offrir un aspect agréable à votre ami ? Mais peut-être possède-t-elle un logis sur une rive du fleuve ?
— Elle non, mais elle y a des amis… Encore que je me demande s’ils sont aussi fiables qu’elle le prétend ?
— Si vous faites allusion à la princesse Shakiar, c’est non sans hésiter ! Ce n’est pas qu’elle soit méchante, mais elle est trop en pâmoison devant son frère Ali Assouari pour ne pas se laisser mener par le bout du nez.
— D’où la connaissez-vous si bien ?
Le colonel eut un geste évasif :
— Oh, j’ai été un moment en poste au Caire auprès du gouverneur militaire ! Une belle femme malgré tout – et il faut lui accorder ça ! – qui donne de magnifiques réceptions !
Aldo ne retint pas un éclat de rire et Sargent s’étonna :
— Qu’ai-je dit de si drôle ?
— Je vous prie de me pardonner, mais je me demandais s’il existe un coin au monde où vous n’avez pas été en poste ? Je n’aurais jamais cru l’armée des Indes aussi itinérante.
Le colonel accepta la remarque avec bonne humeur :
— Elle non, mais moi oui ! Au cours d’une longue carrière, il faut avoir le goût des déménagements. On va où l’empire vous envoie… selon les compétences !
— D’où vos vastes connaissances linguistiques ?
— Ce serait plutôt mon péché mignon ! J’adore décrypter le langage des pays lointains ! Par exemple, j’ai appris le mandarin… bien que je n’aie jamais mis les pieds en Chine !
— Bravo ! Mais pour en revenir à la famille Assouari, que savez-vous sur elle ?
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